Lettre à Mes Sœurs

...Islam, Marriage et Vaginisme

Mon Histoire

Ibn Zyad 25 Muharam 1439

بسم الله الرحمن الرحيم

Cette lettre est destinée à mes sœurs en Islam, plus précisément à celles qui souffrent de vaginisme. Ceci est une lettre de soutien, de réconfort, d'espoir et de solidarité de la part de votre frère. Oui, je suis un homme et pour mes sœurs qui se demandent pourquoi j’écris sur ce sujet qui, à priori, ne me concerne pas, je vais raconter mon histoire.

Il y a environ 2 ans, j'ai rencontré une sœur qui venait d'arriver dans ma ville de résidence. Afin de respecter sa confidentialité, je vais ici la nommer « Amanah ». Amanah n'était pas mariée, elle était récemment divorcée. Je l'ai trouvée spontanée, belle, généreuse, amusante, agréable, et surtout, elle montrait un grand intérêt pour l'apprentissage de la religion. Je ne connaissais pas tout à son sujet, mais j'en savais suffisamment pour qu'elle me plaise. En tant que musulman qui ne croit pas aux fréquentations hors mariage qui sont illicites (haram), quelques mois après l'avoir connue, j'ai chargé un intermédiaire de lui faire part de ma demande en mariage. Amanah a répondu qu'elle était dans une situation compliquée, en partie par rapport à son récent divorce et qu'elle ne pouvait pas prendre un tel engagement à ce moment de sa vie. Amanah m’a paru sincère, et j’ai respecté son choix dans la mesure où je savais qu’elle était encore fortement marquée par son divorce.

Suite à son refus, Amanah m’a paradoxalement accordé de plus en plus d’attention. Je pense qu’elle s’est sentie touchée par mon intérêt à son égard et par ma demande en mariage. Ce fut en tout cas le début d’une grande complicité entre nous. Nous échangions de façon de plus en plus grande et son intérêt envers moi était devenu manifeste. Je ressentais toujours le désir de l’épouser, et comme je comprenais qu’elle avait besoin de temps, j’ai décidé d’attendre qu’elle soit prête. (2) Alors que nous apprenions à nous connaitre, je l’appréciais de plus en plus et elle se sentait de plus en plus à l’aise avec moi.

Au bout de quelques mois elle m’a confié un secret d’une grande importance : elle souffrait de vaginisme. Comme j’ignorais de quoi il s’agissait, elle m’a expliqué que ce trouble médical empêchait la pénétration vaginale. J’ai alors immédiatement réalisé que cela ne changeait absolument pas mon intention de l’épouser et qu’au contraire, cela suscitait en moi une motivation de l’aider à surmonter cette épreuve. J’étais déterminé à être celui qui allait l’aider à remporter ce défi avec succès.

Cette nouvelle information au sujet d’Amanah m’a aussi permis de confirmer ce que je ressentais : malgré toute la beauté d’Amanah, j’étais avant tout attiré par sa personnalité. Je n’étais pas en quête d’un amour superficiellement charnel avec elle, je souhaitais surtout construire un lien fort entre mon cœur et son cœur, entre mon âme et son âme. Je me suis aussi senti honoré de la confiance qu’elle m’a témoigné en me révélant ce secret. J'ai aussi compris que cela constituait une forte épreuve dans sa vie et que c'était une des raisons pour laquelle elle n'était pas prête à accepter ma demande en mariage, et j'ai donc décidé de lui donner tout le temps dont elle avait besoin pour retrouver le niveau de confiance nécessaire à un tel engagement.

Je lui ai donné par la grâce d'Allah le respect qu'un musulman doit à une musulmane : du fait qu'elle n'était pas encore islamiquement licite (halal) pour moi, je ne l'ai jamais touché, ne lui ai jamais tenu la main, ne l'ai jamais embrassée, je n’ai eu avec elle absolument aucun contact physique. Mon interaction avec elle était magnifique et totalement non charnelle. Mais en conséquence, je trouvais très difficile de la soutenir de façon directe dans son combat contre le vaginisme. Aussi Amanah n'était pas toujours d'humeur à aborder le sujet. Je choisissais alors, de rester bon envers elle, disponible, de bien me comporter à son égard, de renforcer un rapport de confiance entre nous et de lui donner le temps de reconstruire le courage dont elle avait besoin. Je me sentais si bien avec Amanah et cela était apparemment réciproque. Je me disais que si notre interaction pouvait être agréable à ce point avant même d’être mariés et sans aucun contact physique, alors notre mariage allait probablement être d’un grand bonheur, vaginisme ou pas.

Malheureusement, au bout de 2 ans, j’ai dû avec une grande tristesse dans le cœur dire au revoir à Amanah. La raison ? Disons simplement que nous avions des choix de vie différents. Quoi qu'il en soit, cette séparation m’a fait réaliser à quel point Amanah était chère pour moi. Je suis reconnaissant envers Allah de la force qu’il m’a accordé face aux épreuves de façon générale. Mais pour ce qui concerne Amanah, je dois avouer que j’ai ressenti en la perdant une douleur à laquelle je ne m’attendais pas. J’ai éprouvé une telle solitude dans mon cœur. Je savais qu’Amanah avait beaucoup souffert de son divorce et c’était alors mon tour de souffrir et d’être triste. Je me dis avec le recul que c’était une belle tristesse et une tristesse malgré laquelle, je ressentais toute de même la satisfaction que nous nous soyons séparés dans la correction, sans rancœur, ni haine. L’amour de ces couples qui se transforme en haine après la séparation, est-il vraiment de l'amour ? J’ai le sentiment d’avoir été droit, respectueux et juste avant et après la rupture et cela apaise mon cœur.

Soigner un Cœur Blessé

Je devais maintenant faire face à la tache de soigner mon cœur fortement blessé et le meilleur moyen de trouver réconfort allait être de me rapprocher d’Allah. Je me suis mis à faire les prières de la nuit de façon accrue, en récitant de plus longs passages du Coran, en me rappelant d’Allah, en me plaignant à lui et non pas de lui ni de son décret, en l’invoquant pour qu’il apaise mon cœur, parfois jusqu’à ce que mes yeux se remplissent de larmes et que ma voix sanglote. Y a-t-il une lame plus belle que celle du fidèle face à son seigneur ? Allah n’abandonne jamais son serviteur : il m’a accordé l'apaisement du cœur et a répondu à mes invocations conformément à sa parole dans le Coran :

"فَٱذۡكُرُونِىٓ أَذۡكُرۡكُمۡ"
"souvenez-vous de moi, je me souviendrai de vous."

Allah, dans son omniscience connait les moindres douleurs et tristesses. Il est celui vers lequel nous nous tournons dans nos moments d’obscurité. Comme le Coran le dit :

"أَلَا بِذِڪۡرِ ٱللَّهِ تَطۡمَٮِٕنُّ ٱلۡقُلُوبُ "
“Certes, c'est dans le rappel d’Allah que les cœurs se tranquillisent.”

Allah dit aussi dans le Hadith Qudusi:

"وَإِنْ أَتَانِي يَمْشِي، أَتَيْتُهُ هَرْوَلَةً"
"S’il (mon serviteur) vient à moi en marchant, je viens à lui avec empressement"


Quel apaisement lorsqu’Allah nous permet de concrètement ressentir le sens de sa parole dans nos cœurs ! Et que la parole de notre prophète ﷺ est véridique :

"عجبا لأمر المؤمن ... ‏:‏ إن أصابته سراء شكر فكان خيراً له، وإن أصابته ضراء صبر فكان خيراً له‏"
" Ce que l'affaire du croyant est étonnante ...: S’il est l'objet d'un événement heureux, il remercie Allah et c'est là pour lui une bonne chose. S'il est victime d'un malheur, il l'endure avec patience et c'est là encore pour lui une bonne chose."

Ma Motivation

Allah nous autorise la tristesse : une tristesse qui est une miséricorde et qui dirige le serviteur vers son créateur. La tristesse est une émotion naturelle qu’il faut savoir gérer. La tristesse mal soignée peut se transformer en colère, haine ou désespoir. Par la grâce d’Allah, ma tristesse s’est transformée en rapprochement envers mon seigneur et en motivation pour aider aujourd'hui mes sœurs dans leur lutte contre le Vaginisme. J'étais déterminé à aider Amanah dans son épreuve, aujourd'hui elle est partie, alors que la détermination est toujours là. Pourquoi donc, ne pas mettre cette détermination au service de mes autres sœurs faisant face au même problème.
La condition du vagimisme rend douloureux, voire empêche complètement les rapports sexuels, les examens gynécologiques et même les insertions de tampons. Les causes peuvent être émotionnelles, psychologiques ou médicales. Le vaginisme est l’une des raisons principales des mariages non consommés. Mais heureusement ce mal peut être soigné grâce à des activités physiques accompagnés par une approche psychologique.
Lorsque je me suis penché sur le sujet du vaginisme, j'ai notamment remarqué 2 points liés aux musulmans qui m’ont fait réaliser la grande nécessité de soutenir en particulier mes sœurs en Islam touchées par ce trouble:

1. Lorsque les hommes enfoncent le clou - Du côté des hommes de religions : j’ai été choqué de constater que beaucoup accusent les musulmanes atteintes de vaginisme d'être dans le tort de refuser de faire l’amour à leurs maris. Au lieu de proposer des solutions à mes sœurs et de montrer de la compréhension envers elle, ils les ont accablées. Au lieu d'alléger une épreuve, ils l'ont empirée. Au lieu d'aider une personne innocente, ils l'ont rendue coupable ! Ne comprennent-ils pas que ce vaginisme est un blocage musculaire indépendant de la volonté de la femme ? Ne comprennent-ils pas que pouvoir faire l'amour à leurs maris sans douleur est en fait un des désirs les plus ardents chez les femmes atteintes de Vaginisme ? Amanah avait par exemple eu droit, lors de son mariage précédent à ce qu’on lui cite le fameux hadith des femmes qui sont maudites par les anges lorsqu’elles refusent d’avoir des rapports intimes avec leurs époux. D’autres sœurs ont dû entendre un mufti leurs dire de craindre Allah et de s’exécuter à l’acte sexuel avec leurs conjoints.
Ces Muftis et Imams devraient-ils aussi reprocher de manger de la main gauche à un homme au bras droit cassé ? Devraient-ils aussi reprocher à un homme dont la jambe est blessée de prier assis ? Devraient-ils aussi reprocher à une femme enceinte de ne pas jeûner ? Non, bien évidemment. Alors pourquoi s’en prennent ils aux femmes atteintes de vaginisme ? Quelle ignorance et quel manque de délicatesse et de psychologie. Ceci est donc un bon exemple montrant l’importance d’avoir à la fois la maitrise des sciences religieuses et la juste compréhension du contexte (en arabe : فقه الواقع) et du sujet traité pour celui qui veut émettre un avis religieux. En tout cas mes chères sœurs, soyez fermes et ne laissez personne, absolument personne, vous culpabiliser. Vous n’avez pas choisi ce vaginisme et au contraire vous le gérer avec patience. Vous êtes absolument courageuses et totalement innocentes. Que personne ne tente de vous persuader du contraire. Qu’Allah vous récompense pour vos efforts et votre endurance.

2. Une éducation religieuse stricte pourrait être une cause de Vaginisme ? - En ce qui concerne les causes de vaginisme, j'ai aussi été étonné par une explication qui concerne les musulmanes: une éducation religieuse pourrait être une raison de développement de Vaginisme. Cela m’a surpris car l’islam est clair et ouvert, sur les questions de sexualité. La relation sexuelle du couple marié est non seulement source de plaisir licite, mais elle est même un acte islamiquement méritoire pour lequel les époux sont récompensés par Dieu. Ce sont les relations hors mariage que l’islam condamne fermement. Notre religion nous offre donc, Dieu merci, la meilleure des approches : une voie médiane qui ne mène ni au célibat sacerdotal ni à l’hypersexualisation.
Malgré tout, il est vrai qu’on rencontre souvent un embarras chez les musulmans lorsqu’on aborde la question de la sexualité et même quand il est nécessaire d’en parler. Si ce malaise affecte la santé sexuelle des couples Musulmans, il devient alors un problème à adresser et un sujet à traiter par nos psychologues et autres personnes compétentes. Cet embarras semble culturel et non pas religieux. La religion n’est absolument pas la cause de votre vaginisme. Et cela doit être clair pour vous mes sœurs, l’islam est au contraire une force dans votre épreuve. Mes chères sœurs, utilisez toutes les ressources et solutions licites (halal) pour lutter contre ce trouble en ayant en plus dans le cœur un bonheur que d’autre femmes n’ont pas : la foi en Allah. Quelle formidable valeur ajoutée pour vous.

Quoi qu'il en soit, face à ces 2 points, j’ai trouvé important de contribuer à une réponse musulmane face à la problématique du vaginisme. Une réponse pleine d’empathie, de solidarité, de solutions, d’encouragement et de confiance en Allah.

Me voilà donc mes chères sœurs, animé d’une motivation issue de mon histoire personnelle et de nos principes islamiques en mission contre le vaginisme et j’ai décidé de lancer un projet qui sera particulièrement dédié aux musulmanes souhaitant surmonter cette épreuve. Ce projet (1) permettra in chaa Allah aux patientes musulmanes de demander conseil et de poser des questions à des Gynécologues et Psychologues musulmanes et de bénéficier ainsi de leur expertise. Le contenu sera publié sur un site spécifique qui est en ce moment en cours de réalisation. Ce projet sera un cadeau, un cadeau que je ne pouvais offrir à Amanah, un cadeau que j’offrirai à toutes mes sœurs in chaa Allah.
جزاكن الله خيرا,

IbnZyad

 

1: Le projet est en cours. Pour participer, contribuer ou simplement en savoir plus, vous pouvez me contacter sur : contact@ibnzyad.com

 

2 : Je me dois ici de préciser que de par notre croyance, notre modèle d’interaction entre l’homme et la femme est le mariage et les échanges entre un homme et une femme doivent être fait dans ce cadre-là. Il est vrai que notre psychologie diffère souvent des générations qui nous ont précédés : beaucoup parmi nous éprouvent la nécessité de discuter un certain temps et de connaitre la personnalité de l’époux ou épouse potentielle avant de s’engager. Les contacts physiques ne sont absolument pas nécessaires mais les discussions le sont souvent. La durée de ces discussions pré-mariages ne doivent durer que pendant la présence de cette nécessité. Dès lors que l’homme et la femme ont suffisamment confiance (confiance et non pas certitude à 100% à laquelle il n’est pas réaliste de prétendre) qu’ils sont le bon choix l’un pour l’autre, le mariage islamique doit avoir lieu. Dans mon cas mon l'interaction avec Amanah a été longue car je pensais qu’elle avait besoin de temps et je demande à Allah de me pardonner si j’ai eu tort. Je n’ai pas du tout l’intention de faire la promotion des discussions prémaritales excessivement longues. Je souhaite plutôt faire part d’un témoignage sincère qui, si l’omniscient le veut, peut avoir un effet positif sur les cœurs des femmes éprouvées par la même épreuve qu’Amanah.

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Ibn Zyad

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